L'e-reputation ou comment donner de la respectabilité à une activité hors éthique
Suite à l'article maintes fois commenté "Bien choisir son community manager (lol)", il m'a paru intéressant de faire le point sur cette activité qui me semble à moi aussi douteuse mais pas tout à fait pour les mêmes raisons que Soymalau.
Comme lui, je constate qu'on entend plus que ces mots dans les clubs et réseaux com ou marketing : "comment, tu n'as pas encore de community manager, mais tu es à la rue ou quoi ?!"
Or, en quoi consiste cette activité réellement ? Eh bien, à mon avis, en quelque chose de pas joli-joli.
Je passe sur le problème de ce qu'on appelle pudiquement "les billets sponsorisés" (quant à moi, je trouve que cela ressemble à s'y méprendre à de la corruption, mais ceci n'existe-t-il pas depuis que la presse est la presse ? Alors ne raciotinons pas plus avant, il vaut mieux changer ses désirs plutôt que l'ordre du monde ainsi que le faisait remarquer ce bon vieux Descartes). Le community manager, son boulot dans ce cas, c'est de sélectionner, parmi les blogueur, ceux auxquels on va faire une petite fleur. Ou alors, quand on a rien à offrir, contacter quelques blogueurs dans sa sphère d'influence - le plus souvent de la vie réelle - qui ne seraient pas malins de vous refuser la petite fleur citée plus haut.
Ce que je veux toucher du doigt aujourd'hui, ce n'est pas le problème de quelques happy fews de la blogosphère qui sous pretexte de donner leur avis se font offrir iPhone, iPad et autres iBook (les pauvres, il faut bien qu'ils aient les produits pour pouvoir donner leur avis dessus !). Ce que je veux vous montrer, c'est le travail effectué par quelques barbouzes du net (pas tous les community managers, ne me faite pas dire ce que je n'ai pas dit !) que l'on passe pudiquement sous silence mais qui ont un job dont je n'aimerais pas me vanter.
Croyez-vous sincèrement que Madame Toutlemonde aille perdre au bas mot 20-25 minutes de son temps à rédiger ceci (j'ai cédé à la tentation de commenter la capture avec un peu d'humour gras) sur une chose aussi triviale qu'une boite de haricot vert :
Bref, en un mot comme en 100, les sites comportant des avis de consommateurs sont truffés de ce genre d'interventions qui sentent le fake comme un poisson de 1er avril. Cette pratique existe depuis plusieurs années déjà (en ce temps là, le community management n'existait même pas en concept). Et elle est assez facilement reconnaissable car les rédacteurs n'ayant pas eu beaucoup d'imagination, les posts ont tous une structure à peu près identiques.
Malheureusement, le web étant de plus en plus 2.0, les espaces d'expressions pour le "grand public" se multiplient. Il ne s'agit plus de se déguiser en faux commentateurs sur quelques forums et sites d'avis, il faut maintenant surveiller son e-reputation via des dashboards toujours plus sophisitiqués afin de détecter les signaux faibles et an-ti-ci-per, dia-lo-guer (c'est là que la fameuse tarte à la crème de la page Facebook et du Twitter sort du chapeau du charlatan manager). Quant à la gestion de crise, je ne vous en parle même pas !
Ou plutôt si, je vous en parle :-)
Vous avez entendu parler du scandale Acadomia ? Vous savez, la société de soutien scolaire bien connue qui s'est permis de ficher des profs, élèves et parents avec des commentaires pour le moins discutables. Eh bien, je parierai qu'une boite d'e-reputation a été embauchée fissa sur le dossier. Les réactions des internautes sont assez unanimes pour condamner l'utilisation de termes aussi délicats que "trop de profs ont déjà défilé chez sa saloperie de gamin" ou bien d'anodines intrusions dans la vie privée telles que "sort de chimio, cancer du poumon diagnostiqué en avril". Cependant, régulièrement, sur tous les sites de grands média acceptant les commentaires des lecteurs, on trouve ceci (évidemment chaque fois rédigé différemment, dans un commentaire plus ou moins long et précis, mais toujours sur la même base argumentaire) :
Voilà, maintenant vous savez ce que peut être un aspect d'un job "e-réputation": c'est se faire passer pour un internaute lambda en prenant la parole pour intervenir dans un débat en exprimant une opinion basée sur l'argumentaire du client.
J'attends avec impatience les prochaines élections présidentielles. Ca va être la foire au community managers de tout bord (politique).
En attendant, répétez-le autour de vous : les communicants sont partout et même parfois déguisés en prof !
A lire aussi :
http://www.community-manager.biz/2010/05/19/lettre-ouverte-aux-community-managers/
http://www.duperrin.com/2010/04/12/interrogations-sur-lethique-dans-le-reputation/